La nuit est noire, le ciel couvert. Dans l’écrin nocturne, seuls quelques rayons lunaires parviennent à se frayer un chemin au travers de nuages qui varient du gris argenté à l’anthracite le plus sombre. Depuis que vous avez traversé ce brouillard qui vous transperce encore les os, vous avez perdu la notion du temps.

Moïra, tu te trouve seule à l’orée d’une étrange forêt avec, à perte de vue, des champs menant à une ville distante de plusieurs kilomètres. Tu te situes au sud de cette dernière, même si rien ne te permet d’étayer cette hypothèse, sinon ton éventuel sens de l’orientation qui, pour l’heure, est probablement défectueux. Tout au plus peux-tu affirmer qu’il te faudra plusieurs heures de marche avant d’arriver jusqu’à cette mystérieuse métropole qui est, semble-t-il, ta seule option pour l’heure si tu veux trouver un endroit sûr, à moins que tu ne te rabatte sur une des multiples fermes des alentours.

De ton côté, Daevon, tu te tiens au beau milieu d’un champ de ce qui te semble être du maïs en très mauvais état faute d’attention humaine. Les tiges se plient au gré du vent et te permettent d’apercevoir une ferme non loin de là et, un peu plus loin au nord-ouest, la même ville aux airs d’abandon. Plusieurs options s'offrent à toi pour t'assurer au moins un abri pour cette nuit, même si rien ne te garanti un confort absolu, ni même un accueil amical. Dans tout les cas, ce sera toujours mieux que rien compte tenu de tes blessures actuelles.

Le froid se fait plus mordant, traversant la protection toute relative de vos vêtements, et la brume qui vous entoure semble s'épaissir à mesure que le temps passe. Le vent souffle dans les arbres, en faisant grincer les branches, et dans les plants de maïs, produisant le seul son que vous parvenez à distinguer tout autour de vous, comme si la nature environnante n'abritait pas la moindre vie, humaine ou animale.

Moïra, c'est sans surprise que tu avances à une vitesse moindre, sans doute parce que les talons de tes chaussures ne font que s'enfoncer dans la terre meuble de la campagne. Fort heureusement pour toi, même si le ciel est couvert, il ne pleut pas encore et le sol n'est pas boueux. La première chose que tu remarques en continuant à t'avancer est que certaines fleurs et plantes autour de toi ne ressemblent à rien de ce que tu connais - même si ce n'est pas la principale chose qui attire ton regard. En effet, tu as entendu des bruits de course, ce qui n'est pas anodin dans le silence ambiant, et tu peux maintenant distinguer une silhouette humaine qui sort d'un champ de maïs pour se diriger vers une des nombreuses fermes que tu as pu repérer jusqu'alors.

Daevon, la première chose que tu remarques est que tu n'es plus suivi par tes précédents poursuivants - en revanche, en regardant attentivement autour de toi, et tes yeux s'habituant à l'obscurité, tu peux malgré tout repérer une forme humaine à la chevelure rousse flamboyante qui s'approche de façon maladroite à travers la rase campagne. De toute évidence, cette dernière t'a aussi repéré, parce que la direction qu'elle emprunte est peu ou prou celle de ta position.

Tu remarques également que la douleur que tu ressentais jusque là est déjà en train de s'atténuer, comme un mauvais rêve, ce que tu associes au fait que ton adrénaline remonte à l'idée que quelqu'un s'approche de toi alors que tu es blessé. Après tout, tu ignores tout des intentions de la personne en question, même si tu ne ressens pour le moment rien de mauvais venant de la fine silhouette.

En t'approchant de la ferme, tu peux également constater par les fenêtres entourant la porte d'entrée (verrouillée, si tu tentes de l'ouvrir) que le bâtiment est vide de toute vie. Peut-être est-ce une bonne option pour passer la nuit et te repérer plus facilement une fois le soleil et la brume levés, si tu trouves une autre entrée ou si tu décides de défoncer la porte.

En plus de tout cela, Moïra comme Daevon, vous ressentez la sensation d'être observés, sans pour autant repérer autre chose que vos existences respectives.

Funèbre accompagnement à la panique qui s'empare des membres tremblants de la rousse, un lourd nuage noir vient grignoter petit à petit ce qu'il reste de l'éclat lunaire. Dans le noir à présent complet, l'air se fait glacial tandis que le vent retombe, plongeant la scène dans une ambiance aussi lourde et pesante qu'une chape de plomb.

Moïra, la sensation de danger imminent que tu as ressentie un peu plus tôt ne fait que s'accentuer - et tu sais, sans pouvoir être sûre du comment, que ce que tu as entrevu va se dérouler, quoique tu fasses pour l'en empêcher. Maintenant que l'inconnu t'a clairement repoussée, tu n'as à présent plus beaucoup d'options pour empêcher le désastre de se dérouler devant tes yeux écarquillés. Tu peux décider de prendre la fuite et d'abandonner le brun à son sort - ou prendre les devants pour lui prouver qu'il a tort. Dans tous les cas, il va bien falloir se résoudre à prendre une décision.

Daevon, tu as beau regarder par les fenêtres de la bâtisse, il n'y a effectivement rien de plus pour te faire douter du bien fondé de ta réaction envers la rouquine. Si cette petite chose tremblante a peur de son ombre, c'est son problème, pas le tien. Tu décides de faire le tour de la ferme, pour éventuellement trouver un autre chemin pour te glisser à l'intérieur - malheureusement pour toi, tu ne découvres que des fenêtres résolument fermées au travers desquelles tu ne distingue rien de plus, et une porte arrière aussi solidement verrouillée que celle de devant. Il faut croire que la chance n'est pas de ton côté.

Tandis que la jeune femme s'acharne avec un certain brio sur la serrure de la porte, la pluie commence à tambouriner doucement sur le toit de la ferme - ploc, ploc, ploc. Comme un battement de cœur en rythme avec le bourdonnement du silence dans les oreilles. Le vent est retombé pour de bon, et aucun autre son ne se fait entendre que le petit cliquètement du scalpel dans la fermeture.

Moïra, toute en discrétion, tu parviens à ouvrir la porte fatidique et l'entrouvre avec précaution. Dans le noir, difficile de faire la part du vrai du faux, et rien ne te permets de confirmer ou d'infirmer la vision que tu as eue un peu plus tôt - à croire que le destin ne veut décidément pas que l'inconnu te prenne au sérieux.

De ton côté Daevon, tu remarques que les lacets de ta chaussure gauche sont défaits. En dehors de ça... La vérité, c'est que tout te conforte dans le fait que la rouquine à tes côtés a effectivement peur des fantômes. Tout ? Non. Lorsque tu esquisses un premier pas pour rentrer dans ce qui semble être la cuisine de la ferme, un mouvement dans l'obscurité attire ton attention. Arme à la main, tu te figes sur le seuil, bloquant l'entrée.

Ce n'est que lorsqu'un éclair vient illuminer la pièce que tu distingues pour de bon la silhouette qui a attiré ton regard : assise sur une chaise, une chose de forme humaine relève ce qui lui sert de tête pour diriger ce qui devrait être l'emplacement de ses yeux dans ta direction, n'étant pas le plus discret des deux. Tout son être semble être constitué de chair fondue, et sa bouche ouverte en grand n'émet aucun son, ce qui paraît encore plus terrifiant que si elle en avait fait.

Lentement, très lentement, la créature se lève et vacille sur des jambes semblables à des allumettes dans votre direction.